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Appel à contributions pour la revue Ethique, Politique, Religions

Ethique, politique, religions est une revue biannuelle, gérée par l’Institut de recherches philosophiques de Lyon (IRPhiL, Université Lyon 3) et éditée par Classiques Garnier. Son rédacteur en chef est Thierry Gontier. Elle est centrée sur l’étude philosophique des sociétés contemporaines et de leur généalogie. Elle comprend des cahiers thématiques, des éditions ou traductions de textes de référence, des varias et des recensions d’ouvrages, français ou étrangers.

Dossier d’articles sur « Dispositifs, pouvoirs & IA » (2023)

Responsables éditoriaux :

Eugène Favier-Baron (Université Libre de Bruxelles & Université Grenoble Alpes : coordinateur du dossier eugene.baron@univ-grenoble-alpes.fr),

Thomas Berns (Université Libre de Bruxelles), Marc-Antoine Dilhac (Université de Montréal) et Thierry Ménissier (Université Grenoble Alpes)

Argumentaire scientifique de l’appel à contributions :

L’intelligence artificielle se situe à la confluence de plusieurs logiques dont aucune n’est indépendante du phénomène du pouvoir. Ainsi, en tant que forme particulière de pensée et d’action sur le monde, l’informatique manifeste le pouvoir de créer des systèmes d’algorithmes. Ceux-ci, une fois déployés dans des programmes variés, agissent sur la société de diverses manières : par exemple, ils créent des data utiles pour la connaissance et l’expertise en tous domaines possibles, ou encore ils sont implémentés dans des dispositifs robotiques plus ou moins autonomes. Sur un autre plan, ces différentes manifestations de l’IA sont permises par des organisations privées et publiques (dans les rôles de financeurs, de développeurs et de prescripteurs), qui sont des puissances sociales actives. Enfin, les effets de l’IA se font sentir, de manière directe et indirecte, et parfois très subtile, dans les pratiques courantes des usagers.

Permise par des pouvoirs, l’IA est-elle-même un pouvoir qui agit et permet d’agir sur les conduites individuelles, et qui tend à façonner les comportements collectifs. Une éthique de l’IA digne de ce nom doit prendre en considération ces phénomènes : le respect des valeurs démocratiques, qui doit guider une éthique du savoir informatique et de ses effets, s’assortit donc nécessairement d’une compréhension socio-économique et d’une approche en termes de pensée politique.

Ce dossier d’articles se donne pour premier objectif d’identifier les formes de pouvoir liées à l’IA, en les pensant à partir des dispositifs qui la soutiennent et l’intègrent – par exemple les formes socio-économiques et politiques qui la favorisent –, et de ceux qu’elle engendre par elle-même, depuis sa conception jusqu’à ses implémentations. Les sujets abordés par ce dossier d’articles sont notamment :

  • La manière dont l’informatique contemporaine se trouve plus ou moins liée au projet cybernétique, dont on peut au moins dire qu’il a engendré la première vision systématique d’une organisation basée sur la circulation de l’information (Wiener 1954) ; comment, en particulier, le projet de société porté par la cybernétique, induit le modèle d’une société pacifiée, intégralement assistée par des machines automatiques, par exemple via la blockchain (De Filippi & Wright 2018) ou l’« Internet des objets » (Howard 2015).

  • La puissance de calcul, la production et la gestion des data comme modalités de mise en forme de l’action publique, dans le contexte de l’usage de ces technologies par l’Etat et par conséquent de la possible transformation de l’action publique (Chevallier 2018 ; Ménissier 2022), ce qui invite à l’invention de nouvelles conceptualités pour en rendre compte (telle que la « gouvernementalité algorithmique » : Berns & Rouvroy 2013), et compte tenu de la tendance de fond d’une transformation des manières d’agir de la puissance publique sur la longue durée (Desrozières 2010 ; Supiot 2015).

  • L’action des systèmes d’information intégrant de l’IA au sein des entreprises, et leur effet sur la stratégie de ces dernières, sur l’administration de leurs personnels et sur la gestion de leurs ressources matérielles et immatérielles.

  • L’influence de l’économie digitale sur les comportements dans le cadre du « capitalisme de surveillance » (Zuboff 2019), à savoir, plus précisément dit, l’effet des systèmes d’IA sur les conduites humaines, que ce soit en termes d’influence des plateformes et des applications, tout particulièrement à travers l’effet des algorithmes de recommandation (Konstan & Riedl 2012 ; Ménard 2014 ; Beuscart, Coavoux & Maillard 2019) et des nudges(Thaler & Sunstein 2004), pouvant conduire à l’émergence de formes originales d’assujettissement, tel que le « paternalisme libéral » (Magni-Berton 2011 ; Orobon 2013) ; ou que ce soit en matière d’interaction humains-machines dans l’observation des comportements assistés par la robotique anthropomorphe et non-anthropomorphe (Borelle 2018).

Chacune de ces thématiques induit et même réclame un traitement de nature philosophico-politique : une telle exigence permet en effet d’échapper au solutionnisme technique, tentation qui se déploie habituellement dans ce qui se présente comme l’éthique de l’IA. Il s’agit donc de privilégier un type d’analyse qui se confronte directement aux changements à l’œuvre dans la nature même des normativités et fait d’une telle analyse la condition pour une politique de l’IA.

Références :

Th. Berns, A. Rouvroy, 2013 : « Gouvernementalité algorithmique et perspectives d’émancipation. Le disparate comme condition d’individuation par la relation ? », Réseaux, 2013/1 n°177, p. 163-196.

J.-S. Beuscart, S. Coavoux & S. Maillard, 2019 : “Les algorithmes de recommandation musicale et l’autonomie de l’auditeur. Analyse des écoutes d’un panel d’utilisateurs de streaming”, Réseaux, 2019, n°1, p. 17-47.

C. Borelle, 2018 : « Sortir du débat ontologique. Éléments pour une sociologie pragmatique des interactions entre humains et êtres artificiels intelligents », Réseaux, 2018/6, n° 212, p. 207-232.

J. Chevallier, 2018 : « Vers l’Etat-plateforme ? », Revue française d’administration publique, 2018/3 (n°167), p. 627-637.

A. Desrozières, 2010 : La politique des grands nombres. Histoire de la raison statistique, Paris, Éditions de La Découverte.

P. De Filippi, A. Wright, 2018 : Blockchain and the Law. The Rule of Code, Harvard, University Press. 

A. Garapon et J. Lassègue, 2018 : Justice digitale. Révolution graphique et rupture anthropologique, Paris, PUF.

P.N. Howard, 2015 : Pax Technica: How the Internet of Things May Set Us Free or Lock Us Up, Londres, Yale University Press.

J.A. Konstan, J. Riedl, 2012 : “Recommender systems. From algorithms to user experience, User Modeling and User-Adapted Interaction, 2012, n°1‑2, p. 101-123.

R. Magni-Berton, « Care, paternalisme et vertu dans une perspective libérale », Raisons politiques, 2011/4 n° 44, p. 139-161.

M. Ménard, 2014 : “Systèmes de recommandation de biens culturels. Vers une production de conformité ?”, Les Cahiers du numérique, 2014, n°1, p. 69-94.

Th. Ménissier, 2022 : « Jusqu’où l’institution peut-elle être augmentée ? Pour une éthique publique de l’IA », Quaderni. Communication, Technologies, Pouvoir, 2022/01, n°105, p. 73-88.

F. Orobon, « Le « paternalisme libéral » oxymore ou avenir de l’État-providence ? », Esprit, 2013/7, p. 16-29.

A. Pickering, 2019 : “Techniques de l’engagement: la cybernétique et l’Internet of Things”, Zilsel, 2019, n°5, p. 208-225.

Pouvoirs, 2018 : Revue Pouvoirs, n°164, 2018 : « La Datacratie ».

A. Supiot, 2015 : La gouvernance par les nombres, Paris, Fayard.

R.-H. Thaler, C. R. Sunstein, 2008 : Nudge: Improving decisions about health, wealth, and happiness, New Haven, Yale University Press.

J.-S. Vayre, F. Cochoy, 2019 “L’intelligence artificielle des marchés : comment les systèmes de recommandation modélisent et mobilisent les consommateurs”, Les Études Sociales, 2019, n°1, p. 177-201.

D. West, 2005 : Digital Government : Technology and Public Sector Performance, Princeton (New Jersey), Princeton University Press.

N. Wiener, 1954 : The Human use of Human Beings. Cybernetics and Society, Boston (Mass.), Houghton Mifflin Harcourt Publishing Company.

S. Zuboff, 2019 : The Age of Surveillance Capitalism: The Fight for a Human Future at the New Frontier of Power, Londres, Profil Books

Modalités pratiques :

  • Dans une première phase, les autrices et auteurs sont invités à soumettre des résumés de proposition d’articles (format souhaité : maximum 2 pages bibliographie comprise, texte anonymisé de toute référence personnelle ou institutionnelle).
  • Après acceptation du résumé, dans la seconde phase, elles/ils seront invité.es à faire parvenir aux responsables éditoriaux leur texte, également anonymisés.
  • Format souhaité pour les propositions : 35 à 40 000 signes, caractères 12, interligne 1, 5, incluant résumé et mots clés en français et en anglais.   

Agenda prévisionnel :

  • Juin 2022 : lancement de l’appel à contributions
  • 2 septembre 2022 : réception par les responsables éditoriaux des résumés et sélection des propositions ; retour aux auteurs & autrices.
  • 1er octobre 2022 : envoi pour les autrices/auteurs retenus de leurs contributions aux responsables éditoriaux ;
  • 1er novembre 2023 : retour aux autrices/auteurs et travail éditorial pour les contributions définitivement retenues.
  • Fin janvier 2023 : remise du dossier à la revue.
  • Avril-mai 2023 : parution du dossier d’articles dans Ethique, Politique, Religions.

Réception et évaluation des propositions :

Le comité d’évaluation des articles est composé des responsables éditoriaux, éventuellement assisté dans leur travail par des experts académiques spécialement sollicités.

Les propositions et les articles doivent être rédigés en français ou en anglais.