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Forum International pour le Bien Vivre 2022

Chloé Bonifas

Examen philosophique de l’éthique en entreprise : en quoi la Responsabilité Sociale des Entreprises conduit à penser la nécessité de refonder la finalité des société économiques.

Vendredi 1 juillet 2022, 13h30-15h00

En présentiel :

Amphi 1 – Stendhal.

Programme :

Présentation du colloque :

Pour cette 2nde édition, Il s’agira, afin d’accélérer le changement de boussole dont les crises récentes ont conforté l’impérieuse nécessité, de traduire en actes et en indicateurs le bien vivre, entre plafond environnemental et plancher social et de continuer à soutenir, élargir et nourrir la communauté des acteurs et actrices de ce changement.

Argumentaire de l’intervention :
 

   Depuis quelques années, l’ampleur prise par certaines firmes et les conséquences majeures de leurs activités sur la communauté humaine, tant au niveau social qu’au niveau environnemental, engendrent un renouveau des questions d’éthiques en entreprise. Des outils tels que la Responsabilité Sociale d’Entreprise se sont développés pour répondre à cet enjeu. En effet, ce dispositif constitue une tentative d’intégrer de nouveaux critères d’évaluation de la performance des entreprises, critères notamment environnementaux et sociaux, qui entreraient sous la catégorie d’« éthique ». De la sorte, il contredit le récit habituel qui tend à concevoir les activités économiques comme séparées du monde commun, en soulignant la responsabilité des entreprises à l’égard de la société.

Or, deux éléments posent question. D’une part, l’expression d’ « éthique en entreprise » sonne presque comme un oxymore. Tout se passe comme si la dimension économique était incompatible avec un questionnement éthique. D’autre part, comment penser la « responsabilité » d’une entreprise ? Si tout un arsenal juridique existe déjà à ce propos, la RSE montre que cette question n’est pas encore résolue, notamment d’un point de vue moral. En premier lieu, nous essaierons de montrer différentes manières de penser l’interaction entre éthique et entreprise à travers trois doctrines de philosophie morale appliquées aux divers degrés d’intégration de la RSE. Puis, dans un second temps, nous explorerons les difficultés liées à l’appréciation de la responsabilité en entreprise, en nous appuyant sur la notion de responsabilité collective telle qu’elle est analysée par Hannah Arendt dans sa conférence éponyme.

Finalement, son fonctionnement fondé sur l’éthique volontaire (soft law), ou encore l’indifférenciation des attentes des parties prenantes qui induit une hiérarchisation insidieuse, font que les dimensions sociales et environnementales sont systématiquement subordonnées à la réussite économique, expliquant le succès mitigé de l’outil RSE en regard de l’urgence des enjeux actuels. Dès lors, la question de la responsabilité se déporte sur un plan « ontologique », en interrogeant ce qu’est une entreprise. Dans une lignée aristotélicienne, cette essence est liée à la finalité apposée à la firme. Aussi, le prima de la dimension économique n’apparaît plus comme une fatalité mais une fin contextualisée, liée aujourd’hui à la prédominance des principes du business case et de la corporate governance, qui priorisent la recherche de rentabilité. Il s’agit alors de produire des récits alternatifs, comme le social case, le green case, ou encore la loi sur la flexible purpose corporation, qui transforment le rôle assigné aux entreprises, et tentent d’intégrer le souci du bien-être social et environnemental au même titre que l’intérêt économique, en reconnaissant l’entremêlement indéfectible de ces trois plans dans le milieu entrepreneurial.

Bibliographie indicative :
 
– Michel Capron, Françoise Quairel-Lanoizelée, La responsabilité sociale d’entreprise, Paris, éd. La Découverte, coll. Repères, 2010 [2007]

– Blanche Segrestin, Armand Hatchuel, Refonder l’entreprise, éd. Seuil, coll. La république des idées, 2012

– Aristote, Éthique à Nicomaque, trad. Jules Tricot, éd. Vrin, 2012

– Anthony Arthur Long, David Sedley, Les philosophes hellénistiques, tome 2 : Les Stoïciens, éd. Flammarion, 1997

– Emmanuel Goffi, L’utilitarisme chez Bentham et Mill, Les carnets du temps, n° 105, pp. 22-23., 2014

– Hannah Arendt, « La Responsabilité Collective », in Responsabilité et jugement, éd. Payot, 2005

– Hannah Arendt, Les origines du totalitarisme: Eichmann à Jérusalem, Paris, éd. Gallimard, coll. « Quarto », 2002

– Dominique Méda, Le travail : une valeur en voie de disparition, Paris, éd. Aubier, coll. « Alto », 1995